C'est comme un rêve oublié, on sait qu'il y a quelque chose, mais on est totalement incapable de s'en rappeler.
Si certaines personnes ne savent jamais par où commencer ce type de récit, dans mon cas le début s'impose de lui-même. Il s'impose par un aveu, l’aveu d'une totale invention : mon identité. En effet Viola Weaver n'est rien d'autre que le nom que je me suis choisie à mon réveil d'un coma de trois mois... sans plus aucun souvenir de mon passé, de qui j'étais. C'était il y environ neuf mois de cela. Oui il y a très certainement de bien meilleures façons de débuter la narration de sa vie, mais c'est là la seule que je connaisse.
Mes yeux se sont rouverts à la fin du mois d'Août. Je ne sais plus quel temps il faisait au dehors, qu'en avais-je à faire après tout ? Ce dont je me souviens parfaitement c'est le regard habitué, presque blasé, du médecin constatant mon amnésie rétrograde, ils l'avaient prévue. Ce qui laissait planer plus de doute c'était la proportion que celle-ci aurait et surtout sa durée. En effet les causes de mon accident étaient, si ce n'est inconnues, non-certaines puisqu'on avait retrouvé mon corps, inconscient et dépouillé de tout ses biens, abandonné, comme une vulgaire poupée prête à être jetée. D'après les blessures, on avait déduit et conclu à un accident de la route, sans plus de précisions. Rien en somme ne me permettait de comprendre qui j'étais, ni ce qui avait bien pu m'arriver. Bien sûr des recherches et autres avaient été lancées, mais sans aucun succès, personne ne semblait se souvenir de moi, pire qu'une anonyme dans la foule, je n'étais personne.
Pourtant il ne fallait pas se laisser abattre par la situation, non il fallait se relever et continuer et pour bien commencer il fallait une nouvelle identité, la première étape. C'est drôle l'effet que ça fait de parcourir un livre de prénoms réservé à la maternité, quand c'est pour se nommer soi-même, penser à chaque appellation qu'on survole ça pourrait être la mienne !, c'est poignant, mais on finit par s'habituer à la sensation parce que rien ne vous évoque jamais rien de spécial. Dans tout ce malheur, j'ai cependant eu la chance de ne pas être seule. De qui je parle ? Nul autre que Alexander, nul autre que le jeune homme qui a ouvert sa porte à une parfaite inconnue et l'a toujours soutenue dans ses démarches. Je ne sais sérieusement pas ce que je serais aujourd'hui si je ne l'avais pas lui pour me protéger et m'aider, il est ma bouée de sauvetage à toutes épreuves.
Certes ce qui m'est arrivé est épouvantable et rien ne pourra jamais combler ce vide énorme en moi, certes souvent je me sens complètement perdue et dépassée, mais au final quand j'y pense, beaucoup de bien est ressorti de ce malheur. Si j'ai longtemps désiré me rappeler de qui j'étais, désormais je ne suis plus du tout certaine de le vouloir. Je me dis que peut être est-ce mieux ainsi car après tout personne ne peut m'assurer que j'ai perdu au change, que ma vie était bien plus belle avant ; qui sait ce que mon passé peut bien renfermer. Et si tout cela était une seconde chance qui m'était offerte ? Une chance de pouvoir repartir de zéro et m'offrir un nouvel avenir, un avenir diamétralement opposé. Oui, surement que j'ai tout simplement peur de ce que je pourrais découvrir, mais qui peut me blâmer ? Beaucoup d'hypothèses, mais au fond peu de réponses... Qui je suis, qui j'étais, je ne le saurais peut être jamais, le futur nous le dira ! Et comme l'expression le dit, il faut laisser le temps au temps.