“ a thousand times i've tempted fate, a thousand times i've played this game ”

04 avril 1997, Phoenix, Arizona__
« Bon anniversaire, ma chérie. » Un doux baiser dans ses cheveux, Lou-Ann ouvrit doucement les yeux. La lumière pourtant faible de la pièce était bien trop forte à son goût. Cela faisait cinq ans jour pour jour que la petite Stoker était née. Cinq ans jour pour jour que Linda s'occupait de son enfant seule, sans aucune aide. Où était donc le père ? Nul ne le savait. Volatilisé. Il ne s'était sûrement pas senti près à assumer un enfant à l'âge de dix-sept ans, contrairement à Linda. En effet, c'est à dix-sept ans qu'elle devenue la mère d'une petite fille. Depuis le jour où Linda appris qu'elle était enceinte, la vie qui était alors dans son ventre pris tout son sens. Elle allait devenir mère et elle allait garder le bébé, peu importe ce que pouvaient bien en penser les voisins. « Quel âge tu as aujourd'hui, Lou ? » Après une seconde d'hésitation, la brunette releva les cinq doigts de sa main gauche et puis, elle fit ce sourire qu'aimait tant sa jeune mère. A cinq ans, tout est si facile, Lou ne se posait pas encore les questions dont Linda craignait de ne jamais pouvoir répondre. Si seulement Lou pouvait ne plus grandir. Elle grandissait déjà trop vite et la vitesse avait toujours fait peur à Linda.

29 juin 2001, Jacksonville, Floride__
Pieds nus dans le bois non loin de sa maison, Lou-Ann était munie d'un arc. Elle guettait attentivement tous les moindres gestes de la nature. Elle écoutait tous les sons qui s'émanaient des arbres, du sol. Elle était là, accroupie dans les feuilles et les épines de la petite forêt qui bordait sa nouvelle maison. Et puis, un bruit de feuille se craquelant venait de se faire entendre derrière elle. En se retournant, elle découvrait Alec. Son voisin et son nouvel ami. Il était aussi discret qu'un bœuf, ce qui avait le don d'agacer Lou. Son beau-père lui avait appris qu'à la chasse, il ne fallait pas faire de bruit, on avait alors plus de chances d'attraper quelque chose. Bien qu'elle n'avait qu'un arc en plastique, Lou croyait dur comme fer qu'un jour, elle rapporterait quelque chose à sa mère et à Patrick, son beau-père. « Tu veux pas qu'on rentre ? J'ai faim, moi. » Mettant rapidement un doigt sur les lèvres de Alec, Lou-Ann regarda alors impassiblement le garçon. « Shhht. Tu vas faire fuir les animaux. » Mais, en dégageant son doigt, Alec la troubla. Il s'approcha d'elle pour l'embrasser. Ce n'était qu'un baiser d'enfant, mais il signifiait beaucoup pour Lou qui n'avait jamais embrassée de garçons auparavant. « Viens, on rentre. » La petite fille alors âgée de neuf ans donna la main à son ami, son meilleur ami qu'elle ne connaissait que depuis un an pour aller finalement goûter. Le monde de la chasse était bien trop compliqué pour Lou, elle le comprenait, mais elle ne s'avouait pas vaincu pour autant. Elle reviendrait sans Alec.

12 mai 2007, Jacksonville, Floride__
Il faisait anormalement chaud pour un mois de mai. C'était la première fois de l'année que Lou se retrouvait à mettre un short tellement la chaleur l'étouffait. Divaguant dans la maison, il était hors de question qu'elle sorte dehors, même la piscine ne lui faisait pas envie. L'avantage de sa maison en Floride, c'est qu'elle était grande, mais aussi qu'il y avait la clim et ça, ce n'était pas négligeable quand il faisait plus de trente-trois degrés dehors. A la recherche de sa mère, Lou-Ann passait en revue toutes les pièces de la maison jusqu'à tomber sur Patrick. Il était assit sur le lit, il n'avait pas vraiment l'air d'aller bien, mais ce n'était pas vraiment le soucis de Lou. « Pat', t'aurais pas vu maman ? » En relevant la tête, Patrick détailla Lou, sa belle-fille, de haut en bas. Comment osait-il ? « Elle est allée faire les courses. » Et puis, il se leva pour atterrir devant Stoker, qui elle ne comprenait pas vraiment ce qu'il lui prenait, lui, son presque père, celui qui lui avait appris à chasser. Doucement, les mains de cet homme qui commençait à répugnait Lou-Ann firent glisser la bretelle du débardeur de la brune. Là, elle comprit. Elle comprit que si elle n'agissait pas très vite, quelque chose allait se passer. Patrick sentait l'alcool, elle ne l'avait jamais vu comme ça. L'était-il souvent, ivre ? Stoppant ses réflexions, Lou fit la seule chose qu'elle avait à faire pour s'en sortir indemne : un coup de genoux dans l'entre-jambe de son beau-père. Ensuite, il fallait courir. Courir sous trente-cinq degrés qui paraissaient être cinquante. Une seule personne serait capable de la protéger. Alec. Il n'habitait qu'à quelques pas de chez elle et fort heureusement. Frappant comme une déchaînée à la porte d'entré, son meilleur ami finit par lui ouvrir. « Eh du calme ! » La voyant en larme, l'instinct protecteur du garçon fit qu'il la pris sans hésiter une seconde dans ses bras. « Lou... Qu'est-ce qui ne va pas ? Dis moi. Viens. » La suite se déroula plus calmement. Les sanglots de Lou prirent fin quand elle eut terminée ses explications et Gale fit la promesse d'aller dire à Linda que son beau-père n'était autre qu'un malade et d'aller dire lui-même à Patrick que s'il approchait encore une fois Lou, il aurait des problèmes. Alec avait deux ans de plus que Lou-Ann, ce qui faisait presque de lui un homme à présent. Et à dix-sept ans, il était à vrai dire déjà un homme.

06 septembre 2011, Miami, Floride__
« Alec bouge-toi, sérieux ! T'es pire qu'une fille là ! » Lou sautait sur place. L'excitement la rendait presque euphorique. Ce soir, Lou sortait pour la première fois de sa vie seule avec Alec. Tambourinant à la porte de la salle de bains de son ami de toujours, on pouvait entendre celui-ci râler, ce qui faisait rire Lou-Ann qui avait l'habitude de tout ça. Sortant de la salle de bains un quart d'heures plus tard, Lou, qui était alors assise sur une banquette se releva machinalement. Il était parfait. Et encore, ce mot n'était pas approprié. Il était divin. « Bon, je suis comment ? » Lou ne savait pas s'il se moquait d'elle en lui posant cette question, mais la réponse lui paraissait évidente. « Hm, pas mal. » C'était totalement faux. Il était plus que pas mal, il le savait. Du moins, il savait ce que pensait réellement Lou. « Bon allez on y va, j'en peux plus d'attendre. » Traînant Alec dehors, celui-ci eut à peine le temps d'attraper les clés de sa voiture. La majorité absolue. Lou en rêvait tellement. Sauf qu'elle n'avait que dix-neuf ans, soit, la liberté de voter. Mais elle, elle voulait la liberté qu'avait acquis Alec cette année-là, celle de ses vingt-et-un an. Ce soir-là, Alec avait réussi à convaincre Linda de laisser sortir sa fille avec lui, qu'il ne lui arriverait rien de mal, ce qui était certain. Les deux jeunes n'avaient pas prévus forcément grand chose, mais seulement d'aller à Miami, lieu où la fête était sacrée. Rapidement, les deux jeunes se trouvèrent un endroit où ils pourraient être tranquilles et seuls. Ils n'étaient pas venus pour faire la fête, mais juste pour être ensemble. « Je crois que je vais partir d'ici à vingt-et-un an. » Allongé entre les jambes de Alec, Lou pris un regard grave. Elle savait que lui ne quitterait jamais Jacksonville. Pas pour elle. « Tu te souviens quand on était petit et que je t'ai embrassé ? » Cette question la fit rire. De une, parce qu'il répondait totalement à côté de la plaque et de deux, parce que c'était un très bon souvenir. « Ouais, je m'en souviens, pourquoi ? » Le regard planté dans les yeux bleus du brun, Lou avait l'impression de se noyer. Mais ce n'était pas désagréable, bien au contraire. « Parce que je vais recommencer. » Sans attendre, Alec approche délicatement le visage de Lou dans sa direction jusqu'à rencontrer ses lèvres. Cette fois-ci était bien plus agréable que la première fois où Alec l'avait embrassé. C'était plus doux, plus passionné. Parce qu'il l'aimait et elle aussi.

05 avril 2013, Stradbroke Nord, Queensland__
« M'oublie pas, petit loup. » Un sourire se glissa sur les lèvres de Lou qui étaient collées contre celles de Alec. Ce surnom qu'il avait pris l'habitude de lui donner la faisait généralement râler, mais pas cette fois. Elle n'avait pas envie de s'en prendre à lui. S'il l'appelait comme ça, c'est tout bêtement parce qu'elle s'appelait Lou-Ann. Une larme perla sur la joue de la jeune-femme qui venait tout juste d'avoir l'âge qu'elle avait tant attendu, celui de la liberté absolue. Et elle était prête à partir. Dans le vieux pick-up que sa mère avait pu lui acheter, on pouvait y trouver les quelques affaires qu'emmenait Lou avec elle pour une ville qui lui était jusque là inconnue. Straddie. La route fut rapide et Stoker arriva sans aucun problème à sa nouvelle ville, à sa nouvelle vie. Si elle était venue à Straddie, c'était pour une simple et bonne raison : le nom lui avait plu. Rien de plus, rien de moins. Alors elle y était finalement arrivée. Elle aurait voulu emporter Alec avec elle, mais il devait s'occuper de sa mère qui était gravement malade, ce qu'elle comprenait. Il allait lui manquer, terriblement même, mais elle allait devoir s'y faire. Straddie. Tout paraissait tellement accueillant dans cette petite ville, elle s'y sentait déjà bien, comme si elle y avait toujours vécue. Tout était parfait, oui. Mais ce qu'elle ne savait pas encore, c'est qu'elle ferait la rencontre d'un homme. Un homme qui fera bousculer sa vie, qui la fera grandir.