cool ma vie, j'veux bien un cookie !

Début Décembre 2011 - Etats-Unis
Au volant de ma voiture, je revenais d'une petite après-midi shopping lors de laquelle j'avais dépensé sans vraiment compter afin de trouver les plus belles affaires pour le petit être qui grandissait désormais en moi. Je n'étais certes enceinte que depuis deux mois et demi pourtant, je voulais absolument tout préparer au plus vite afin d'être certaine de ne rien manquer le jour où ce petit bout de moi pointerait le bout de son nez. Jeune maman dévouée, direz-vous. Oui mais pas seulement. J'étais également une jeune fiancée là aussi très fidèle. Ainsi, je comptais bien me rendre en studio afin de suivre les derniers enregistrements de mon cher et tendre et de ses acolytes. Néanmoins, je ne savais pas encore qu'un imprévu allait s’immiscer sur ma route, modifiant mon planning et changeant par la même occasion toute ma vie future. A 200m à peine du studio, alors que je tournais en rond à la recherche d'une de ces très rares place de parking, je fus surprise par un chauffard qui vint se crasher à toute vitesse contre mon véhicule. Impact soudain. Choc brutal. L'auteur du dommage était en train de prendre la fuite alors même je perdais connaissance.
Mes yeux ne se rouvrirent que de longues minutes plus tard, éblouis par le blanc immaculé que renvoyaient les murs de l’hôpital. A mon chevet, une infirmière semblait être en train de panser quelques unes de mes égratignures, mais je m'en fichais éperdument. Baissant le regard vers mon ventre, une seule chose me préoccupait. « Mon bébé... Mon petit bébé... Dites moi qu'il n'a rien, par pitié ! ». Le silence qui suivi mes interrogations me fit froid dans le dos. La jeune femme apposa sa main contre mon épaule, et, sans dire mot, se contenta d'un hochement de tête négatif qui me fit basculer dans l'horreur la plus totale. Je venais de perdre mon enfant et j'avais mal. Mal à en crever. Comme si on m'avait arraché mon propre cœur, ma propre vie.

Physiquement j'allais bien, moralement, c'était une autre histoire. Mes plaies soignées, j'étais désormais libre mais ne savais pas où aller, trop déboussolée par cette tragédie. Désormais assise dans le hall de l’hôpital, j'observais mon téléphone qui n'arrêtait pas de sonner mais je n'avais pas trouvé la force d'y répondre. J'avais peur d'affronter la réalité et ne savais pas comment annoncer de vive voix cette triste nouvelle à mon conjoint. Lâchement, je m'étais alors contentée d'un simple message : "Je suis à l’hôpital, j'ai eu accident... J'ai perdu le bébé."

Quelques minutes seulement après l'envoi de cette missive, il était venue à mon encontre, faisant son entrée dans le hall où je stagnais encore. Me relevant, je m’apprêtais à me réfugier dans ses bras afin de partager notre peine mais il s'écarta de mon étreinte assez brutalement. Les traits de son visage étaient emprunts d'une certaine tristesse mais j'arrivai également à y déceler une certaine colère. « Dégages Cole... J'te jures, dégages. C'est fini... J'veux plus te voir tu m'entends !! Plus jamais ! Tu viens de gâcher notre vie, ma vie ! Vas-t-en... » Bien souvent, il existe des moments hors du temps de par leur beauté, leur magnificence. Malheureusement, il persiste également de nombreuses situations que l'on préférerait éviter tant le temps nous paraît soudainement long et douloureux. Figée face à lui, je subissais le moindre de ses mots, silencieuse. Jamais je ne l'avais vu dans un tel état. J'avais envie de lui crier la vérité, lui dire que je n'y étais pour rien, que le fautif de ce foutu drame s'était volatilisé dans la nature comme un vulgaire voleur... Mais mon cœur s’emballait, terrifié à l'idée de se dire que je n'existais peut-être déjà plus pour lui et je n'arrivais pas à prononcer ne serait-ce qu'un simple "pardon". Plongeant une dernière fois mon regard dans le sien, je compris bien vite qu'il était trop tard en contemplant toute la haine qui résidait en ses yeux. Situation dévastatrice. Il était inutile d'envenimer davantage les choses ce pourquoi, se fut sans défense et dans un silence pesant que je tournais les talons, comme il le désirait... L'espace de quelques secondes, j'avais naïvement pensé que peut-être, il me retiendrait, m'avouant alors qu'au final, ce n'était rien, que seul notre amour importait vraiment et que nous aurions tout le temps de faire d'autres enfants... Mais il n'en fit rien et je m'éloignais toujours, clôturant là bien sinistrement cette sublime histoire d'amour qui m'avait apporté tant de joie.

* * *

« Madame Outlaw ? Vous nous écoutez ?! » Je secouais brièvement la tête pour recentrer mon attention sur le dialogue que je soutenais avec mes 'patients'. Dans le cadre de mes fonctions de conseillère conjugale, j'avais pour habitude d'entendre et de conseiller bon nombre de couples ayant chacun des problèmes divers et variés pourtant, jamais je n'avais été autant troublée qu'aujourd'hui. « On sait qu'on aura l’occasion d'avoir d'autres enfants mais, je ne sais pas... Cette fausse couche, j'ai l'impression que ça a tué quelque chose entre nous ». La gorge sèche, je pris une immense inspiration. Bien évidemment, même si les circonstances n'étaient pas totalement similaires, je n'étais pas sans repenser à ce que j'avais vécu quelques mois plus tôt. Mal à l'aise, je cherchais alors à écourter la séance. « Vous savez, je ne pense pas que ce soit réellement votre couple qui en souffre mais surtout votre bonheur... Votre présence ici, aujourd'hui, me prouve que vous êtes soudés et qu vous voulez vous en sortir... La perte d'un enfants n'est pas une chose simple, il faut laisser le temps faire les choses. Mais essayez d'avancer, de faire de nouveaux projets, à deux. » Me redressant, je leur fit comprendre qu'il était temps pour eux de quitter les lieux. « Vous avez la chance d'être encore ensemble, profitez en... » ajoutais-je avant de les congédier totalement. La vie de couple n'est pas une chose des plus simple et redonner le sourire à tous ces amoureux est magnifique... Mais lorsqu'il s'agit de nos propres problèmes, étrangement, il est plus complexe de les résoudre. Être conseillère conjugale et planter sa propre vie sentimentale... Un comble ? Non ! Une réalité.

Numéro 13
Bienvenue sur le forum