Vous savez ce que c'est que d'avoir des parents qui fuient ? Vous savez, ce père qui n'est jamais là, toujours ailleurs. Ce père qui ne vous file aucun coup de mains ni aucun conseil. Celui qui gueule et qui s'enfuit. Vous savez ce que c'est que des parents qui ne croient pas en vous ? Qui vous rabaissent et détruisent tout vos rêves ? Vous savez ces parents qui vous obligent à faire de grandes études qui ne vous plaisent pas et vous épuisent; ceux là même qui vous interdisent de faire ce que vous voulez faire tout simplement. Ces parents qui renient qui vous êtes, votre propre identité, et qui tentent de vous formatez. Tout le monde connait ça. Vos parents sont-ils de cette espèce ? Parce que ceux de Killian... Non. Ils sont même tout le contraire. Faire pleins d'enfants pour ne pas les assumer ? Et puis quoi encore. Quatre magnifiques têtes blondes pour qui ils feraient tout. Qui d'autres que ce genre de personnes pour laisser un adolescent avec de très bonnes notes quitter l'école par simple amour de la gratte ? Un simple gosse voué à un grand avenir et qui passait ses heures libres dans le garage, enchaînant les accords. Tout ça parce qu'une jolie rousse à l'école lui avait sourit. Et parce que son père, mélomane, avait eu la bonne idée de lui dire que la guitare était le seul moyen de charmer. Et lui qui était venu pour le look était resté pour l'émotion. Jouer, ne rien faire d'autre que de jouer et se lâcher complètement dans les notes. Musique, sensation suprême qui lui redressait les poils. Vibration qui le tenait en vie, et dès lors il s'était mit à vivre quasiment dans le garage. Et il jouait. Comme l'impression que la musique n'était rien d'autre que de l'air qu'il se devait de respirer. Comme si la mélodie était présente pour rythmer le mouvement du temps, le vent à travers la fenêtre et les battements de son cœur. Musique résurrectrice que personne ne venait profaner dans ce temple sacré qu'il s'appropriait au fil des jours. Des jours qui passaient aussi vite que lentement. Une passion comme toutes les autres qu'il se contentait de vivre pleinement entre deux devoirs. Et puis un jour il y avait eu le concert. Autre preuve de l'amour de ses parents qui l'avaient laissé aller, payants tout pour qu'il n'est à se soucier de rien d'autre que de la qualité de sa soirée. Pas d'amis pour l'accompagner, le garçon solitaire avait eu du mal à se trouver d'autres passionnés de ce genre de musique. Du rock à l'état pur, des guitares électriques aux riffs endiablés, des battements de la grosse caisse et les cris sourds de la basse. Et les gestes étranges d'un brun qui semblait venir d'une autre planète. Celui-ci amusa beaucoup le blondinet qui fut bien moins amusé lorsque le fameux brun renversa le verre que tenait le blond sur son t-shirt bien propre. La bière que ses parents lui avaient fortement déconseillés s'étalaient dans une forme étrange. Et l'autre qui s'excusait, dans un sale état. Le t-shirt était mort, et Killian ne vit pas vraiment pourquoi il s'énerverait. Parce que les hurlements ne faisaient pas remonter les gens dans le temps. « Eh calmes toi c'est bon, c'est pas grave. » « T'es sur ? Oh je suis vraiment désolé, je peux faire un truc pour nettoyer ça ? » « J'ai une idée. Tu me payes un autre verre pendant l'entracte, ok ? » Deux sourire, et voilà que la vie de Killian commençait. Pas cette existence silencieuse et banale qui le faisait se réveiller par simple instinct, jour après jour non. Sa véritable vie, sa grande et belle vie. Sa vie qu'il vivrait à deux milles à l'heure. L'entracte ce jour là lui sembla bien trop court. Et la discussion continua après le concert, et encore après, et encore et encore. Il avait quinze ans et venait de rencontrer l'autre moitié de lui même. Pas dans le sens débile et romantique de ceux qui croient aux âmes sœurs non, mais simplement cette âme complémentaire qui fait que l'on se sent complet en la présence de celle-ci. Cette personne à qui l'on peut tout confier, tout dire et dont on ne craint pas le jugement. Artur-Judd, un nom à dormir dehors, un sourire de charmeur à deux balles et une voix rocailleuse qui feraient mouiller toutes les filles de son quartier chic. "AJ", son double maléfique. Celui qui le fit fumer, celui qui le fit flirter, et celui qui le convainquit de se donner pour sa passion. Garçon spécial qui pourtant plût à ses parents qui invitèrent le garçon à passer dès qu'il en ressentait l'envie. Et garçon qui squatta le garage de nombreux jours alors que les notes s’enchaînaient. Et les parents de Launceston qui avaient presque adopter le jeune, au point de lui offrir pour ses dix-huit ans une superbe basse, alors qu'ils faisaient leurs premiers concerts. L'un cherchait les scènes, l'autre les textes, et le troisième faisait la promotion de la soirée. Une équipe qui gagnait. Et tant que les trois jeunes gagnaient, ils continuaient à jouer. Et pour eux continuer à jouer voulait simplement dire signer un contrat. Contrat qu'il ne voyait pas d'un bon oeil. « Mais pourquoi as tu dis à ce mec qu'on allait réfléchir ? Mais c'est tout réfléchit ! » « AJ calmes toi, il y a pleins de choses que nous devons étudier avant. C'est un gros truc, on ne peux pas se décider sur un coup de tête. On va abandonner nos familles on.. » « Mais on s'en fou de ça Kil', on va devenir célèbre. On va jouer notre musique dans les oreilles de tout le monde, c'est pas fabuleux ça ? » « Je sais pas AJ, j'ai pas très envie d'être célèbre.. C'était juste un truc de garage, rien de plus. » « Tu te fous de moi ? Tu laisserais la plus grande des opportunités nous passer devant ? » « Et si ça ne marche pas hein ? si on se fait jeter, que personne n'aime notre musique ? » « Mais ils ne peuvent pas ne pas aimer ! On est géniaux mec, regardes il est venu nous chercher jusqu'au fin fond du trou du cul du monde, c'est un signe ! » « Les gars si je peux me permettre... » « La ferme » Un cri lancé à l'unisson par les deux meilleurs amis. Un cri du cœur que le batteur était habitué à entendre. La vérité était que Killian avait peur de quitter le cocon familiale, le garage du début et son île. Il n'avait pas envie de se lancer à l'aventure il ne savait trop où et refusait de quitter Jenny, sa meilleure amie pour qui il aurait tout fait. Depuis le temps qu'il était fou d'elle, il était hors de question pour lui de la laisser. Même si jamais il ne pourrait être avec elle, il refusait de perdre son amitié. La jeune femme aimait les femmes, il s'y était fait mais leur relation était tout de même trop forte pour qu'il abandonne tout si vite. Seulement ce fut Artur qui eu raison de sa raison ce soir là, et la semaine d'après ils signaient le contrat, scellant la fin de leur anonymat. Et alors se suivit une atroce année à lutter pour faire ce qu'ils aimaient. Ecrire un morceau, raturer, tout jeter et hurler sa frustration. Cette année là Jennyfaël faillit l'accompagner, mais bien vite il dut se séparer de sa belle pour de bon, ne communiquant qu'avec les nouvelles technologies, et dès lors le groupe devint sa seule raison de vivre. Et puis un beau jour l'album sortit, et avec lui la fin de leurs années de galères. Leur cote de popularité monta si vite qu'un jour ils louaient une chambre d'hôtel miteuse à trois et que le lendemain ils faisaient la une de tout les journaux et vivaient dans les plus belles suites. Tout ce temps Killian eu l'atroce crainte de voir les gens se lasser. On les mettrait au placard, simple vague de mode qui ne tiendrait pas longtemps. Mais la vague dura, dura, dura. Une énorme tournée et des prix à n'en plus finir. Une belle vie, des femmes à la pelle et de l'argent à ne plus savoir quoi en faire. Si bien qu'il se mit à envoyer ses salaires à ses parents, histoire de voir les billets servirent à quelqu'un. La gloire tombait sur leur jeune tête comme l'eau sur les baptisés et elle lui faisait peur. Et pendant qu'AJ prenait la grosse tête lui faisait tout pour rester simple. Une simplicité qu'il démontra en restant proche de ses fans. Mais vite la fatigue tomba sur les trois jeunes et un besoin pressant de vacances se fit sentir. Après deux ans de tournées, ils rentrent au pays.