- Dites moi Alexane ... Qui êtes-vous ?

Alexane regarda la femme face à elle. Ses yeux caramel la fixait sans trop la voir. Qui était-elle ? C'était une bonne question à laquelle il y avait à la fois si peu de choses à dire et au final rien du tout. D'ailleurs elle se demandait encore pourquoi elle était allait voir cette psy.

- Précisez votre question, répondit la jeune femme.
- Et bien ... racontez moi un peu votre vie jusqu'ici. Qui était vos parents ? Avez vous des frères et soeurs ou êtes vous fille unique ? Parlez moi de votre famille.
- Ah ... et bien, j'ai un grand frère, Erwan. De deux ans mon aîné, j'ai toujours été proche de lui, nous avons toujours été complices. Mais pour tout avouer, aujourd'hui on ne se parle plus vraiment ... Ma mère, Maryan, est morte quand j'étais toute petite. Je ne l'ai a vrai dire, jamais connu. Je n'avais qu'un an quand elle a eu cet accident de voiture. C'est mon père qui nous a élevé, Erwan et moi. Mon père, David, était je crois le meilleur père qui puisse exister au monde. Chaleureux, souriant, blagueur, aimant, protecteur. J'adorais mon père. Il était à mes yeux, mon héros. Mais quand j'ai eu huit ans, il a eu un accident de moto et est mort sur le coup. Erwan et moi avons été trimbalé de famille d'accueil en famille d'accueil jusqu'à ce que Err' soit assez âgé. Il est alors devenu mon tuteur et ma vie s'est améliorée avec lui.
- Votre grand-frère a donc été votre tuteur et d'après ce que j'entends, d'après votre ton, vous étiez très proches, que s'est-il passé entre temps pour que aujourd'hui, vous ne vous parliez plus ? demanda la psy d'un air intéressé.

Le regard caramel d'Alexane, se perdit un instant dans le vide. Plongée dans ses souvenirs, elle revivait un passé qu'elle fuyait aujourd'hui depuis presque deux ans. La réponse à la question de la femme en face d'elle tenait en un seul mot. Andrea.

- Qui étais-ce ?
- Andrea était tout. Je l'ai rencontré grâce à Err'. C'était son meilleur ami. Ils étaient toujours fourrés ensemble, inséparables, et moi je les suivais bien que j'ai deux ans de moins qu'eux. Ils m'ont toujours acceptés. Au début je croyais qu'Andrea me considérait seulement comme la petite soeur de son meilleur pote, que j'étais moi aussi comme une petite soeur pour lui, et moi je bavais sur lui depuis le début. Il faut avouer que Andrea a toujours été ... beau. Canon. Fort. Génial. Spécial. Je trouve pas de mot assez fort pour le décrire. C'est vrai que beau il l'a toujours été et l'a toujours sut aussi. Il en a beaucoup joué et je le voyais tourner autour des autres filles, jalouse comme tout. Mais il a toujours été plus que ça. Il a toujours eu ce petit truc qui me faisait succomber. Ce petit truc en plus qui faisait succomber toutes les autres aussi. Ce petit côté bad boy provocateur et vivant. Mais il y avait autre chose dans son regard qui me poussait moi à le voir sous un autre angle que les autres ...
- Vous étiez amoureuse, constata la psy.

Alexane acquiesça. Amoureuse oui, elle l'avait été. L'était toujours par ailleurs. Mais c'était compliqué. Trop peut-être.

-Très.
- Que s'est-il passé ?

La jeune professeur haussa les épaules et entortilla une de ses mèches blonds autour de son doigt. Elle soupira.

- Ce qui aurait du se passer. Moi j'en étais amoureuse et j'ai grandi. Je ne suis peut-être pas Miss Monde mais je ne suis pas non plus affreuse. Andrea a fini par me remarquer. J'étais plus âgée que l'adolescente qui avait le béguin pour lui mais cet amour ne m'avait jamais vraiment quitté. On a eu une relation. Je pense qu'Andrea m'a toujours mieux traitée que les autres parce que j'étais la petite soeur de son meilleur ami et puis on se connaissaient si bien tous les deux. Ca aurait pu marcher. Vraiment ...
- Pourquoi ça n'a pas fonctionné ?
- Parce qu'il a déconné. Je savais que Andrea n'était pas un type bien, qu'il n'avait pas que le look bad boy mais aussi la vie, mais je m'en fichais. Je l'aimais plus que je m'aimais moi. Il était tout à mes yeux. Je pense qu'il ne m'a jamais aimé le quart de ce que j'ai pu l'aimer moi ...
- Vous dites qu'il a "déconné" selon vos propres mots, comment ?
- Je vous l'ai dis. C'était pas un mec bien. Il a fini en prison. Et moi je me suis retrouvée enceinte.

La encore, Alexane reparti dans ses pensées. Elle avait apprit le même jour les deux mauvaises nouvelles. //FLASH// Stressée, Alexane attendait les résultats le regard fixé sur le petit bout de plastique entre ses doigts. Au bout de deux minutes qui parurent interminables à la jeune femme, le résultat apparu en toutes lettres : ENCEINTE. Et bah voilà c'était fichu. Dans quelle galère elle s'était fourrée ? Dire qu'elle venait tout juste d'avoir son diplôme d'enseignante et là elle se retrouvait enceinte. Mais ce qui la stressait le plus, c'était la réaction d'Andrea. Il n'était pas franchement le mec le plus stable qu'on puisse trouver, comment allait-il réagir ? En entendant du bruit dans le salon, Alex' planqua le test sous une pile de serviette sous le lavabos et sorti. Elle vit alors Erwan debout près de la fenêtre. Il avait l'air soucieux. - Err' ? Ca ne va pas ? demanda t-elle. Son frère, flic, avait parfois des journées assez rudes. - Tu devrais t'asseoir Lexy, ce que je vais te dire est assez grave, fit-il de cette voix que Lexy détestait. Cette voix trop sérieuse, trop dure, trop ... grave. Alors elle s'assit. Erwan vint se placer près d'elle, prit ses mains dans les siennes. - Andrea a eu un accident de voiture. Plutôt grave, annonça t-il. Alexane se senti pâlir. - Quoi ? Mais il va bien ? paniqua t-elle. - Lui oui mais sa mère et l'enfant de la voiture en face sont morts. Andrea va être inculpé ... La jeune professeur plaqua une main sur sa bouche. Erwan la serra contre lui. - Ca va aller Lexy, il va s'en sortir, nous aussi ... ne t'inquiète pas ... essaya t-il de la rassurer sans savoir. Sans savoir que tout était bien plus grave ...//FIN FLASH//

- Alexane ? Alexane vous allez bien ? fit la voix inquiète de la psy, faisant revenir Alexane à la réalité.
- Hein ? Oui pardon je repensais à quelque chose ...
- A quoi repensiez vous ?
- L'annonce de l'inculpation d'Andrea. Celle de l'arrivée de Lucie.
- Lucie .. Lucie est donc votre fille. A Andrea et vous.
- Oui.
- Quel âge a t-elle ?
- Neuf mois depuis deux jours.
- Est a cause de Lucie que vous ne parlez plus à votre frère ? Ou que vous êtes a Straddie aujourd'hui ?
- En quelque sorte ... Erwan a toujours été le meilleur ami d'Andrea. Ca n'a pas changé malgré son incarcération. Moi je ne pouvais plus vivre avec tout ça. Je ne voulais plus de tout ça. Alors je suis partie, en laissant une lettre à Erwan. Et une pour Andrea. Je ne leur ai pas parlé de Lucie. C'était mon secret. Je ne voulais pas que ma fille connaisse tout ça, toute cette ... violence. Alors j'ai demandé ma mutation et je suis arrivée ici.
- Et vous vous plaisez ici ?
- Oui beaucoup. Je trouve que c'est l'endroit idéal pour élever Lucie, recommencer une nouvelle vie.
- Une dernière chose, que pensez-vous des hommes aujourd'hui ? Avez vous eu de nouvelles relations depuis Andrea ?
- Non et je ne pense pas que j'en aurais.
- Pourquoi ça ? Vous êtes une magnifique jeune femme, vous avez toute la vie devant vous.
- Parce que quand on a aimé quelqu'un aussi fort que j'ai aimé Andrea et quand on a eu le coeur aussi brisé que le mien, on n'aime plus docteur. On ne peut plus aimer. Pour moi aujourd'hui il n'y aura pas d'autres hommes parce que malgré tout, j'aime et j'appartiens encore à Andrea. Pour la vie ...
- Bien. Je pense que nous avons fini. Il est l'heure de toute manière.
- Merci docteur.

Alexane se leva et serra la main de la psychologue qui lui sourit. Elle se dirigeait vers la sortie lorsque celle ci la rappela.

- Alexane ?
- Oui ?
- Juste une dernière chose. Si votre frère ou Andrea refaisaient surface dans votre vie que feriez-vous ?

Alexane resta un instant silencieuse. Puis elle secoua la tête.

- Franchement je n'en sais rien docteur.
- Mais vous les accepteriez a nouveau dans votre vie ?
- Bien sûr.
- Pourquoi ça ? Après tout vous les avez fuit en venant ici ...

Alexane sourit.

- La réponse est très simple docteur.
- Dites moi pourquoi ?
- Parce que je les aime.

Et sans d'autre explication, la jeune femme sorti en fermant doucement la porte derrière elle.